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21 août 2019

La dichotomie des âges

Très jeune, j'ai eu l'impression d'être une vieille. Ou bien c'est ainsi que l'on pouvait me qualifier, ne serait-ce que par mes choix musicaux : à l'ère Madonna, je me gargarisais de Barbara et de Juliette Gréco. Mais il y a eu aussi le cancer et la mort de mon père, qui m'ont propulsée d'un coup dans un âge lourd, bien plus loin que mes dix-sept ans.

J'ai alors eu un âge sans âge, d'une certaine façon. Sur mes papiers d'identité, les chiffres me paraissaient incongrus : je devais incarner une belle jeunesse, insouciante, légère, drôle... Mais je donnais plutôt toute légitimité à la citation célèbre de Paul Nizan : "J'avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c'est le plus bel âge de la vie. Tout menace de ruine un jeune homme : l'amour, les idées, la perte de sa famille, l'entrée parmi les grandes personnes".

J'avais l'impression d'avoir cinquante, soixante ans, du moins de n'avoir pas du tout mon âge. Mon adolescence a été sérieuse, grave, et s'est véritablement achevée quand j'ai dû faire des choix. C'est ainsi que je qualifie le passage à la vie adulte : on doit choisir et nos parents ne le font plus pour nous. Nous acceptons de payer les conséquences de nos actes. Et choisir, c'est renoncer, bien entendu.

Ainsi donc, mon âge réel ne correspondait aucunement à mon âge "dans ma tête". Il a fallu bien des années pour trouver un juste équilibre. C'était la trentaine. Une dizaine épanouissante, au cours de laquelle j'étais installée dans la vie concrète, avec un métier, une vie de couple, des projets, et j'avais une certaine légèreté que ce confort me permettait. Mes deux âges se rejoignaient enfin.

Aujourd'hui, le décalage a repris mais à l'envers : je me sens bien plus jeune intérieurement que mes papiers ne l'indiquent. Cette dichotomie est bien plus difficile à gérer que je ne l'imaginais. Je n'ai pas vu les années passer, fourbes, accrochant à mes tempes des frises grises, froissant mon dos régulièrement, m'éloignant cruellement et silencieusement de mes jeunes collègues. Mon esprit, quant à lui, divague, s'amuse, fleurit, butine...

 

Fraçoise Fabian

 

J'ai juste cligné des yeux, et voilà...

 

 

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