Nostalgie (?)

Selon le TLF, la nostalgie a plusieurs acceptions, dont celles-ci :

"Regret mélancolique d'une chose, d'un état, d'une existence que l'on n'a pas eu(e) ou pas connu(e); désir insatisfait.

En partic., littér. Sentiment d'impuissance qu'éprouve une personne qui aspire à un idéal ou qui recherche passionnément une valeur, une qualité."

Pendant longtemps, je me suis dit que j'étais née "trop tard". Trop tard car je n'ai pas vu les débuts de Barbara et Gréco dans les caves de la rive gauche, ni Brel en concert et encore moins La Callas. Mais quand j'y songe, c'est d'une époque encore plus lointaine dont j'ai la nostalgie : le XIXème siècle. La plupart des artistes que j'admire sont de ce siècle. J'adore en parler en classe, sans fin. Certes, je me suis spécialisée au cours de mes études sur cette période, mais je ne pense pas que ce soit la seule raison. J'aime l'idée de ces changements fondamentaux pour la société, tant en peinture qu'en littérature, mais aussi dans les domaines scientifiques et sociaux. Ceci est valable pour la première moitié du XXème, bien entendu.

Cependant, si j'étais née en 1850, aurais-je eu la nostalgie d'un siècle qui m'a précédée ? Et en tant que femme, n'aurais-je pas rêvé d'une vie autre, moins inique pour mon sexe ? J'aurais alors rêvé de l'avenir, tout comme Olympe de Gouges avait pu le faire ou comme George Sand le défendait : "Il ne m’a jamais semblé possible que l’homme et la femme fussent deux êtres absolument distincts. Il y a diversité d’organisation et non pas différence. Il y a donc égalité et non point similitude. J’admets physiologiquement que le caractère a un sexe comme le corps, mais non pas l’intelligence. Je crois les femmes aptes à toutes les sciences, à tous les arts et même à toutes les fonctions comme les hommes. Mais je crois que leur caractère qui tient à leur organisation donnera toujours en elles un certain aspect particulier à leurs manifestations dans la science, dans l’art et dans la fonction. Il n’y aurait point de mal à cela. L’art, la science et la fonction pourraient gagner à devenir le domaine des deux sexes. [...] Les femmes doivent-elles participer un jour à la vie politique ? Oui, un jour, je le crois avec vous, mais ce jour est-il proche ? Non, je ne le crois pas, et pour que la condition des femmes soit ainsi transformée, il faut que la société soit transformée radicalement."

Aurais-je été choquée par les propos de cet écrivain osant porter des pantalons et fumer le cigare, ou bien aurais-je eu déjà ce goût du subversif et de la provocation ?

Je sais bien que l'on ne refait jamais le film et qu'on ignore bien si l'on aurait été la même sous d'autres heures, dans d'autres lieux. Mais j'ai l'impression que l'on regrette souvent ce qui nous a précédé. Et lorsque j'étais encore adolescente, j'écoutais ce que d'aucuns qualifaient de "musique de vieux". Pour moi, il s'agit plutôt d'oeuvres intemporelles.

Et les fameux peintres du XIXème siècle m'auraient peut-être choisie comme modèle, tout au plus. La vie des femmes était loin d'être une partie de plaisir. Finalement, si nostalgie je dois avoir, c'est non seulement d'un temps ancien mais aussi d'un sexe : il aurait fallu être un homme de ce siècle que j'aime tant pour pouvoir en profiter.

Alors même s'il est particulièrement difficile d'être une femme dans ce monde, toutes époques confondues, je choisis d'être femme dans mon temps. Je garde la nostalgie.

Comments

[valecrit]

Sans surprise, je me retrouve dans ce qui tu évoques.

Va savoir pourquoi j’ai lu ce billet en premier en ouvrant ton blog. Ça me parlait.